Held, Jacqueline
Hugo, Victor
Hyvernaud, André
Transformations
L'enchanteur Merlin se changea en chien.
Le petit garçon ne dit rien.
L'enchanteur Merlin se changea en chat.
Le petit garçon bâilla.
L'enchanteur Merlin se changea en chinchilla.
Le petit garçon rebâilla.
L'enchanteur Merlin se changea en souris.
Le petit garçon s'endormit.
MORALITÉ:
"Il n'y a plus d'enfant "
Jacqueline HeId
CHANSON DE GRAND-PERE
Dansez, les petites filles,
Toutes en rond.
En vous voyant si gentilles,
Les bois riront.
Dansez, les petites reines,
Toutes en rond.
Les amoureux sous les frênes
S'embrasseront.
Dansez les petites folles,
Toutes en rond.
Les bouquins dans les écoles
Bougonneront.
Dansez. les petites belles,
Toutes en rond.
Les oiseaux avec leurs ailes
Applaudiront.
Dansez, les petites fées,
Toutes en rond.
Dansez, de bleuets coiffées,
L'aurore au front.
Dansez, les petites femmes,
Toutes en rond.
Les messieurs diront aux dames
Ce qu'ils voudront.
Victor Hugo
Tempête en mer
Comme il pleut ce soir,
N'est-ce pas mon hôte?
Là-bas à la côte,
Le ciel est bien noir,
La mer est bien haute!
On dirait l'hiver;
Parfois on s'y trompe...
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe.
Oh! marins perdus
Au, loin dans cette ombre'
Sur la nef qui sombre
Que de bras tendus
Vers la terre sombre!
Pas d'ancre de fer
Que le flot ne rompe.
Le vent de la mer
Souffle dans sa trompe!
Victor
HUGO
Le pêcheur
L’homme est en mer. Depuis l’enfance matelot,
Il livre au hasard sombre une rude bataille.
Pluie ou bourrasque, il faut qu’il sorte, il faut
qu’il aille,
Car les petits enfants ont faim. Il part le soir,
Quand l’eau profonde monte aux marches du musoir.
Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles.
La femme est au logis, cousant les vieilles
toiles,
Remaillant les filets, préparant l’hameçon,
Surveillant l’âtre où bout la soupe de poisson,
Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants
dorment.
Lui, seul, battu des flots qui toujours se
reforment,
Il s’en va dans l’abîme et s’en va dans la nuit.
Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien
ne luit.
Victor Hugo
Chanson pour faire danser en rond les petits
enfants
Grand bal
sous le tamarin,
On danse et l'on tambourine,
Tout bas parlent, sans chagrin,
Mathurin à Mathurine,
Mathurine à Mathurin.
C'est le
soir, quel joyeux train!
Chatons à pleine poitrine
Au bal plutôt qu'au lutrin.
Mathurin à Mathurine,
Mathurine à Mathurin.
Découpé comme
au burin,
L'arbre au bord de l'eau marine,
Est noir sur un ciel serein.
Mathurin à Mathurine,
Mathurine à Mathurin.
Broutant
l'herbe brin à brin,
Le lièvre a dans la narine,
L'appétit du romarin.
Mathurin à Mathurine,
Mathurine à Mathurin.
Derrière un
pli de terrain,
Nous entendrons la clarine,
Du cheval d'un voiturin,
Mathurin à Mathurine,
Mathurine à Mathurin.
Victor Hugo
L'hiver
Grêle et vent. la ramée
Tord ses bras rabougris ;
Là-bas fuit la fumée
Blanche sur le ciel gris .
Une pâle dorure
Jaunit les coteaux froids
Le trou de ma serrure
me souffle sur les doigts .
Victor Hugo
Demain, dès l'aube...
Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit
la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Victor Hugo (1802-1885)
Les
contemplations
Aux arbres
Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme.
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous ! - vous m'avez vous souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour.
La contemplation m'emplit le coeur d'amour.
Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l'esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l'oeil dans l'herbe profonde,
L'étude d'un atome et l'étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu !
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance,
Et je suis plein d'oubli comme vous de silence !
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel !-
J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon coeur est encor tel que le fit ma mère !
Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives !
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime !
Aussi, taillissacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt ! c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
C'est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m'endormirai.
Victor Hugo
L'aurore en chaperon rose
L'aurore en chaperon rose
brin de lune sur les talons
s'en allait offrir à la ronde
sa galette et ses chansons.
Mais le loup profile son ombre
avalant galette en premier.
Sauve-toi Chaperon rose
car c'est toi qu'il va croquer.
Matin gris matin mouillé
Que cette histoire est décevante
il faudra la recommencer
heureusement la terre est ronde
demain c'est le loup -peut-être-
le loup qui sera mangé.
André Hyvernaud