Obaldia, René De
Orizet, Jean
Orléans,
Charles D'

LE SECRET
Sur le
chemin près du bois
J'ai trouvé
tout un trésor
Une
coquille de noix
Une
sauterelle en or
Un
arc-en-ciel qu'était mort.
A personne
je n'ai rien dit
Dans ma
main je les ai pris
Et je l'ai
tenue fermée
Fermée
jusqu'à l'étrangler
Du lundi au
samedi.
Le dimanche
l'ai rouverte
Mais il n'y
avait plus rien
Et j'ai
raconté au chien
Couché dans
sa niche verte
Comme
j'avais du chagrin.
Il m'a dit
sans aboyer :
« Cette
nuit, tu vas rêver. »
La nuit, il
faisait si noir
Que
j'ai cru à une histoire
Et
que tout était perdu.
Mais d'un
seul coup j'ai bien vu
Un navire
dans le ciel
Traîné par
une sauterelle
Sur
des vagues d'arc-en-ciel !
René De Obaldia

J'ai trempé mon doigt dans la confiture
J'ai trempé mon doigt dans la
confiture
Turelure
Ça sentait les abeilles,
Ça sentait les groseilles,
Ça sentait le soleil.
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
Puis je l'ai sucé
Comme on suce les joues de bonne Grand-maman
Qui n'a plus mal aux dents
Et qui parle aux fées...
Puis je l'ai sucé
Sucé
Mais tellement sucé
Que je l'ai avalé.
René de Obaldia

Dimanche
Charlotte
Fait de la compote.
Bertrand
Suce des harengs.
Cunégonde
Se teint en blonde.
Epaminondas
Cire ses godasses.
Thérèse
Souffle sur la braise.
Léon
Peint des potirons.
Brigitte
S’agite, s’agite.
Adhémar
Dit qu’il en a marre.
La pendule
Fabrique des virgules.
Et moi dans tout cha ?
Et moi dans tout cha ?
Moi, ze ne bouze pas
Sur ma langue, z’ai un chat.
René de Obaldia

Chez moi
Chez moi, dit la
petite fille
On élève un
éléphant,
Le dimanche son œil
brille
Quand Papa le peint
en blanc.
Chez moi, dit le
petit garçon
On élève une tortue.
Elle chante des
chansons
En latin et en
laitue.
Chez moi, dit la
petite fille
Notre vaisselle est
en or,
Quand on mange des
lentilles
On croit manger un
trésor.
Chez moi, dit le
petit garçon
Vit un empereur
chinois.
Il dort sur le
paillasson
Aussi bien qu'un
Iroquois.
Iroquois ! dit la
petite fille
Tu veux te moquer de
moi
Si je trouve mon
aiguille
Je vais te piquer le
doigt
René de
Obaldia

érable
Frémissant coffre-fort cet érable
détient la richesse précaire, fruit
de toute une saison.
Plus que le soleil, il éclaire le mur gris
de Toussaint; il fait l'aumône de son or
aux pelouses.
Des étourneaux éblouis ont appelé
le soir à la rescousse.
Jean Orizet (1937)

Chanson
Hiver , vous n'êtes qu'un
vilain
Eté est plaisant et gentil
En témoin de Mai et d'Avril
qui l'accompagnent soir et
matin
Eté revêt champs, bois et
fleurs
de sa livrée de verdure
et de maintes autres couleurs
par l'ordonance de Nature
Mais vous , hiver , êtes trop
plein
De neige , vent , pluie et
grésil
On vous du bannir en exil
Sans vous flatter je parle
plein
Hiver , vous n'êtes qu'un
vilain.
Charles
D'Orléans

Chanson
Quand n'ont assez fait dodo
Ces petits enfançonnets
Ils portent sous leurs bonnets
Visages pleins de bobo.
C'est pitié s'ils font jojo
Trop matin les dulcinés,
Quand n'ont assez fait dodo
Ces petits enfançonnets.
Dieux amassent à gogo,
Gésir sur mol coussinets
Car ils sont tout poupinés
Hélas! c'est gnogno! gnogno!
Quand n'ont assez fait dodo.
Charles d’Orléans

Ballade du premier jour de mai
Trop longtemps vous
vois sommeillier,
Monsieur, en deuil et déplaisir.
Veuilliez vous ce jour éveiller !
Allons au bois le mai cueillir
Pour la coutume maintenir !
Nous orrons des oyseaux le glay 1
Dont ils font les
bois retentir
Ce premier jour du mois de mai.
Le Dieu d'Amour est coutumier
A ce jour de fête tenir
Pour amoureux coeurs festoyer
Qui désirent le servir.
Pour ce fait les arbres couvrir
De fleurs et les champs de vert gai
Pour la fête plus embellir
Ce premier jour du mois de mai.
Bien sais, mon coeur, que faux Danger
Vous fait maintes peines souffrir,
Car il vous fait trop éloigner
Celle qui est votre désir.
Mieux conseiller je ne vous sais
Pour votre douleur amoindrir
Ce premier jour du mois de mai.
Ma dame, mon seul souvenir
En cent jours je n’aurai loisir
De vous raconter tout au vrai
Le mal qui tient mon coeur martyr
Ce premier jour du mois de mai.
Charles d’Orléans XVème siècle

Rondeau de printemps
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderie,
De soleil luisant, clair et beau.
Il n'y a bête ni oiseau
Qu'en son jargon ne chante ou crie :
Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie.
Rivière, fontaine et ruisseau
Portent en livrée jolie
Gouttes d'argent, d'orfèvrerie;
Chacun s'habille de nouveau:
Le temps a laissé son manteau.
René Charles
d'Orléans

Hiver vous
n'êtes qu'un vilain
Hiver vous n'êtes
qu'un vilain(1).
Eté est plaisant et gentil,
En témoignent Mai et Avril
Qui l'accompagnent soir et ma(t)in.
Eté revêt champs, bois et fleurs
De sa livrée de verdure
Et de maintes autres couleurs
Par l'ordonnance de Nature.
Mais vous, Hiver, trop êtes plein
De neige, vent, pluie et grésil;
On vous doit bannir en exil.
Sans point flatter, je parle plain(2),
Hiver vous n'êtes qu'un vilain(1) !
(1) rustre (paysan)
(2) juste (droit)
Charles d’orléans